- Connaissance des Énergies avec AFP
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Alors que les voitures électriques patinent déjà, les camionnettes électriques se vendent aussi très mal, a alerté mercredi le patron européen du groupe Stellantis en appelant l'Europe à assouplir ses objectifs de verdissement.
"Nous sommes à quelques mois d'un drame", a prévenu Jean-Philippe Imparato, agitant le spectre de fermetures de sites lors d'une visite de l'usine de son groupe à Hordain (Nord).
Stellantis dit risquer 2,6 milliards d'euros d'amende sur trois ans, d'ici fin 2027, si le marché reste à son niveau actuel de 9% d'utilitaires électriques. L'objectif fixé par l'Europe est d'environ 24% en 2027, selon Stellantis.
"Si je paie ce malus, je crashe des usines, c'est écrit", car il faudra in fine limiter la production de véhicules diesel, a expliqué Jean-Philippe Imparato.
Vieux loup de l'industrie automobile, ex-dirigeant de Peugeot et d'Alfa Romeo, Jean-Philippe Imparato emboîte le pas de John Elkann et de Luca de Meo: début mai, le président de Stellantis et le patron de Renault ont demandé à l'UE de simplifier en urgence sa réglementation, estimant qu'elle menace à moyen terme leur production sur le sol européen.
L'Europe a déjà fait un pas vers l'industrie en donnant un délai aux constructeurs pour atteindre plus progressivement leurs objectifs d'électrification, afin de leur éviter des amendes en 2025.
A l'usine de Hordain, 2.600 salariés fabriquent des centaines de petits utilitaires chaque jour sur une base unique pour les marques du groupe, Citroën, Peugeot, Fiat ou Opel, mais aussi pour Toyota.
La demande reste "forte" pour ces véhicules très rentables selon le groupe et Hordain tourne aujourd'hui en trois équipes avec des samedis travaillés en période de forte activité.
Les autres usines d'utilitaires du groupe sont à Atessa (Italie), Vigo (Espagne), Ellesmere Port (Royaume-Uni, concerné par ses propres objectifs CO2), Rüsselsheim (Allemagne) et Gliwice (Pologne).
- Le retard des camionnettes -
La Commission européenne a fixé un ambitieux objectif de ventes 100% électriques en 2035 pour les voitures neuves mais aussi pour les camionnettes des professionnels. Gourmandes en diesel, celles-ci représentent 3% des émissions européennes de CO2.
Les utilitaires électriques et hybrides rechargeables ont connu une forte progression au premier trimestre (+32,6%) en Europe, selon l'association des constructeurs européens (ACEA).
Mais ces ventes restent limitées et le retard semble difficile à rattraper: ces modèles ne représentaient que 8,7% des ventes européennes au premier trimestre.
Pour l'ACEA, "le segment des camionnettes est dans une situation encore plus difficile que celui des voitures".
Les professionnels, surtout les PME, hésitent à franchir le pas. Les incertitudes économiques ont globalement déprimé le marché des utilitaires (-12,2% sur un an au premier trimestre), les modèles électriques restent chers à l'achat même s'ils sont vite rentabilisés, et les bonus à l'achat sont instables.
Jean-Philippe Imparato ne remet pas en cause l'échéance de 2035 mais il souhaite notamment le regroupement de la comptabilité CO2 des voitures et des utilitaires, pour qu'ils se compensent.
Il réclame aussi une prime à la casse de nouvelle génération, qui permettrait de récompenser les constructeurs qui remplacent des véhicules de plus de 10 ans par un véhicule neuf et moins polluant, même s'il n'est pas électrique.
Qui suivra Stellantis dans sa bataille? Jean-Philippe Imparato l'a déjà portée mardi devant le Parlement italien, où il assure avoir des soutiens.
Renault, N°2 du marché européen des utilitaires, n'a pas pris position. Mais un haut responsable reconnaissait fin 2024 que les objectifs d'électrification étaient inatteignables.
Interrogé mercredi, un porte-parole de Mercedes a souligné que la marque allemande continuait à "soutenir l'objectif d'une montée en puissance ambitieuse des voitures électriques".
Pour l'ACEA, qui rassemble tous les constructeurs, "l'UE doit être beaucoup plus ambitieuse en matière de renforcement des infrastructures de recharge, de programmes d'incitation et de baisse des prix de l'énergie, faute de quoi ce secteur crucial risque de prendre encore plus de retard dans la transition", a souligné un porte-parole mercredi à l'AFP, sans demander de refonte du système.
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