L'Arabie saoudite cherche « des opportunités » pour développer sa propre industrie

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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En proposant son titane ou son aluminium à la France, l'Arabie saoudite espère trouver des "opportunités" pour développer sa propre industrie, notamment aéronautique, face au contexte géopolitique mondial bousculé par la guerre en Ukraine et la guerre commerciale lancée par le gouvernement Trump.

Discussions « intéressantes »

Avec la production d'"éponge de titane" par une co-entreprise saoudo-japonaise installée depuis 2015 en Arabie saoudite, "nous pouvons aider l'industrie de l'aviation" européenne, a estimé mercredi le ministre de l'Industrie et des ressources minérales d'Arabie saoudite, Bandar Al Khorayef, au cours d'un entretien avec l'AFP à Paris.

L'usine où le Royaume traite le titane a une capacité de 15 000 tonnes par an: "nous pouvons augmenter cela", a souligné le ministre au terme d'une visite de trois jours en France durant laquelle il a rencontré des industriels sous-traitants d'Airbus à Toulouse, d'Airbus Helicopters à Marignane, ainsi que des responsables du motoriste Safran.

Le titane, métal léger et résistant à la corrosion, est une matière jugée critique pour l'aéronautique, son principal consommateur, mais les avionneurs européens dépendent surtout de la Russie pour leur approvisionnement. Le métal a jusqu'à présent échappé aux sanctions commerciales internationales qui visent la Russie depuis l'invasion de l'Ukraine, mais Airbus comme Safran cherchent à diversifier leurs sources d'approvisionnement.

Ces discussions avec l'Arabie saoudite ont été jugées "intéressantes" par un expert du secteur interrogé par l'AFP sous couvert d'anonymat, afin de "dérisquer l'approvisionnement" en titane.

Même si les Saoudiens "n'en produisent pas assez" pour couvrir les besoins d'Airbus, la diversification d'approvisionnement est un point positif, fait valoir cet expert, car, "quitter les Russes pour se mettre 100% dans la main d'un autre fournisseur du titane, ce n'est pas une solution", a-t-il dit.

« De bonnes quantités de terres rares »

Avec son carnet de commandes rempli pour les dix ans à venir, Airbus souffre toujours de certains "goulets d'étranglement" dans sa chaîne de fournisseurs, une situation dont l'industrie du Royaume voudrait profiter pour approfondir sa coopération avec la France.

L'Arabie saoudite cherche d'ailleurs aussi à "faire approuver" sa qualité d'aluminium par Airbus pour "être utilisé dans les fuselages" d'avion, a ajouté le ministre au cours de l'entretien.

Les domaines où l'Arabie saoudite compte s'investir sont les "minéraux" et les matériaux "composites et plastiques" issus de son industrie pétrochimique, qui peuvent remplacer titane et aluminium.

"Les plus importants minéraux dont nous disposons sont le phosphate (utilisé pour les engrais, NDR), la bauxite (qui sert à la production d'aluminium, NDR), le cuivre, le zinc, l'or et l'argent. Nous estimons avoir aussi de bonnes quantités de terres rares", a détaillé le ministre.

"Nous nous sommes concentrés sur le pétrole et le gaz dans le passé, et nous avons fait très peu d'exploration du sous-sol" pour les minéraux, reconnaît M. Al-Khorayef.

Enrichissement d'uranium

Le pays a lancé un programme d'exploration géologique "qui donne de bons résultats" : "Lorsque nous avons commencé le travail en 2018, nous estimions nos ressources minérales à 1.300 milliards de dollars", mais après six ans de travail, elles sont estimées à "2.500 milliards de dollars", a-t-il souligné.

Le ministre a indiqué avoir reçu dans la semaine "l'approbation" de son conseil des ministres "pour négocier directement avec le gouvernement français sur un accord portant sur les métaux rares". Il a rencontré le délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques de la France, Benjamin Gallezot.

Au cours de son séjour français, M. Al-Khorayef dit avoir aussi rencontré le fournisseur de combustible nucléaire Orano pour explorer les "techniques d'extraction de l'uranium à partir du phosphate" produit par le Royaume. 

Le ministre saoudien de l'Energie, Abdelaziz ben Salmane, avait annoncé en janvier lors d'une conférence à Dhahran (est de l'Arabie saoudite) que le royaume prévoyait d'enrichir et de vendre de l'uranium.

En termes de minéraux critiques, le potentiel de coopération internationale "est énorme", a estimé le ministre saoudien dont le pays a accueilli des pourparlers autour du conflit en Ukraine.

Plus globalement, la guerre des tarifs douaniers lancée par Washington peut amener des "opportunités d'investissement" en Arabie saoudite, estime-t-il.

Il envisage son pays comme "une plateforme pour l'exportation vers les États-Unis" si des industriels venus de pays plus lourdement sanctionnés que le sien se décidaient à y construire des usines en partenariat avec des investisseurs saoudiens.

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