- Connaissance des Énergies avec AFP
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À Abuja, les longues files d'attente de voitures devant les rares station-services distribuant du gaz naturel comprimé (GNC) mettent à mal la volonté des autorités nigérianes d'en faire une alternative à l'essence et au diesel pour réduire les pénuries chroniques de carburant.
Environ 100 000 voitures converties à fin 2024
Les autorités voient dans ce type de carburants la solution miracle pour mieux satisfaire la demande, alors que les prix de l'essence ont été multipliés par cinq depuis que le président Bola Ahmed Tinubu a supprimé les subventions sur les carburants en mai 2023.
En septembre 2023, M. Tinubu a créé l'Initiative présidentielle pour le gaz naturel comprimé (PCNGI) afin d'encourager la transition vers une énergie plus propre. Fin 2024, environ 100 000 voitures ont été converties, et plus de 200 millions de dollars ont été investis, selon le gouvernement.
Avec environ 12 millions de véhicules circulant sur les routes nigérianes, l'État nigérian vise à convertir un million de véhicules de transport en commun d'ici à 2026. Mais dans la capitale Abuja, de nombreux automobilistes se disent découragés par l'attente interminable aux rares stations proposant du GNC.
"Je fais la queue pendant des heures pour un plein qui ne prend que 15 minutes. C'est mon cinquième jour ici", a confié à l'AFP Murtala Ishola, frustré.
Les usagers reçoivent des numéros de passage et doivent attendre sur place jusqu'à l'arrivée d'un camion de ravitaillement.
Un pompiste, qui souhaite garder l'anonymat, attribue la pénurie actuelle au mauvais état des routes et au nombre limité de camions de transport. La PCNGI n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP sur le sujet.
Découragement
De son côté, la Nigerian National Petroleum Company Limited (NNPC, publique) s'est engagée en février à améliorer l'approvisionnement en gaz dans la capitale nigériane. "Nous suivons activement les retours des usagers pour fluidifier l'expérience de ravitaillement, et nous sommes optimistes quant à une réduction des temps d'attente", a déclaré l'entreprise dans un communiqué.
Le marché nigérian du GNC fonctionne selon un modèle hybride soutenu par l'État : la NNPC contrôle l'approvisionnement en gaz en amont, et des entreprises privées agréées se chargent de la distribution sous la supervision de la Nigerian Midstream and Downstream Petroleum Regulatory Authority, une autre entreprise pétrolière publique.
Le gaz est finalement vendu aux automobilistes dans des stations-service indépendantes.
La mise en place des stations-service de gaz naturel comprimé, portée par les partenariats entre NNPC et une société privée de distribution de carburant, la NIPCO, dans le cadre de l'initiative présidentielle, coexiste avec des stations-service indépendantes gérées par des entreprises privées. "Je vais peut-être devoir repasser à l'essence", admet Murtala Ishola, découragé.
Ibrahim Halilu, un autre automobiliste, le visage marqué par la fatigue et la colère, en est à son cinquième jour d'attente.
Akande George, chauffeur de taxi, envisage même de changer de profession.
"Je pense quitter ce métier et retourner à l'agriculture dans l'État de Kwara (sud-ouest). Je vieillis, et je ne peux plus supporter ces luttes quotidiennes", dit-il à l'AFP.
Selon les experts, les pénuries de GNC entravent la mise en œuvre du plan national de transition énergétique dans le principal pays producteur de pétrole d'Afrique.
"L'un des facteurs clés de réussite de tout programme de transition énergétique réside dans la confiance des consommateurs quant à la disponibilité du nouveau carburant", explique Ayodele Oni, expert en droit de l'énergie et commercial.
Or "si les gens ne peuvent se procurer régulièrement du GNC, le plan perd de sa crédibilité, tant auprès du public que des investisseurs potentiels du secteur privé", souligne-t-il.
Au final, "les pénuries pourraient affaiblir la dynamique, provoquer des retards dans la mise en œuvre du programme et réduire les bénéfices économiques et environnementaux attendus", estime M. Oni.